Ducasse d’Ath : le conseil communal entérine le travail de la commission citoyenne du folklore pour faire évoluer le Sauvage en Diable

Ducasse d’Ath : le conseil communal entérine le travail de la commission citoyenne du folklore pour faire évoluer le Sauvage en Diable

Si les élus ont tenu à saluer le travail des membres de la commission, certains ont émis des réticences face à ce processus d'évolution du personnage.

C’est l’aboutissement d’un des dossiers les plus sensibles de la mandature. Ce mardi soir, des membres de la commission citoyenne du folklore étaient présents au conseil communal afin de remettre entre les mains des élus les conclusions de leur travail sur l’évolution du Sauvage de la Ducasse d’Ath. Installée début 2023 et constituée de 60 membres, la commission citoyenne est parvenue à un consensus dans ce délicat dossier. Pour rappel, le Sauvage de la barque des pêcheurs napolitains fait l’objet d’une polémique liée au blackface et au racisme depuis 2019. Suite au travail et à la réflexion de la commission, le Sauvage devient le Diable.

Déjà lors de ses communications, le bourgmestre donnait le ton, soulagé que ce dossier se termine enfin. "À présent, il est plus que temps de revenir à une Ducasse paisible. Qui ne se résume pas à un seul figurant ! Remettons en lumière les 1500 acteurs de notre folklore. Nos chars, nos fanfares, nos géants, nos figurants, une foule en allégresse autour de la fête".

Retrouver une Ducasse sereine et profiter de la fête, c'est la volonté de tous les élus. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs tenu à s'exprimer sur le dossier. Si la majorité a salué le travail des membres de la commission, certains ont émis des réticences face à ce processus d'évolution.

Un processus participatif et citoyen

Si la constitution de la commission citoyenne a été votée à l'unanimité, certains élus auraient préféré faire voter la population. Mais le bourgmestre en est convaincu, cette commission était la meilleure option pour trancher dans ce dossier. "La question de la consultation populaire n'a pas été retenue, car cliver une population sans effectuer un travail de fond ne fonctionne pas". Pour Cécile Dascotte, qui s'est exprimée au nom du groupe PS, cette commission a permis de se remettre en question. "Certains étaient arrivés sans avis précis, d'autres étaient pour la suppression pure et simple du personnage et d'autre enfin, voulaient qu'on ne touche à rien" a-t-elle expliqué avant de poursuivre : "Avec le dialogue, des nuances sont apparues. Quand on arrête de considérer l'autre comme un ennemi potentiel et son point de vue comme une menace, on peut commencer à progresser et à construire ensemble". L'importance du dialogue a aussi été mise en avant par l'actuel échevin du Folklore, Christophe Degand. "Il est tout aussi essentiel de promouvoir le dialogue et la pédagogie pour trouver des solutions respectueuses qui préservent les traditions culturelles et le sentiment d'appartenance, tout en respectant les droits et la dignité de tous. Car s'attaquer à l'identité d'une société peut effectivement entraîner des clivages et des tensions. Dans le dialogue, il n'y a ni perdants ni gagnants, chacun faisant un pas vers l'autre" a-t-il développé.

Le chef de file MR, Serge Dumont, a lui avoué avoir fait évoluer sa pensée : "Je fais partie de ceux qui, il y a quelques années, bien avant le covid, pensait qu'il fallait laisser les choses en l'état. Je suis ensuite passé par l'idée du retrait pur et dur et après rencontres et échange d'autres idées, je ralliais, comme on l'a dit dans cette commission, Darwin et ses théories de l'évolution en la matière".

Esther Ingabire (Ecolo) et Laurent Postiau (Indépendant) ont, eux, salué le processus participatif de cette commission.

Un travail dirigé ?

Du côté de l'opposition La Liste Athoise, les avis sont partagés. Pascale Nouls a d'ailleurs demandé un vote nominatif pour que chacun puisse voter en fonction de ses convictions avant de dénoncer un manque d'impartialité de la commission. "Certains parlent d'inquiétude quant à la façon dont cela a été un peu orienté, l'impression d'avoir été manipulés pour certains" a expliqué la cheffe de file LLA. Pascale Nouls craint également que l'acceptation de cette évolution n'ouvre la porte à d'autres dérives. "Est-ce qu'il y a un moment où on pourra dire qu'on ne peut plus utiliser les chevaux pour tracter les chars pour leur bien-être ? Est-ce qu'on pourra encore mettre des enfants sur les chars ou mettre peut être des figurants légèrement différents sur certains chars ?" s'est-elle questionnée.

C'est aussi en quelque sorte l'avis de Patrice Bougenies, plus virulent dans ses propos. "Est-ce que nous sommes chez nous, ou est-ce que nous ne sommes pas chez nous ? Nous avons un folklore, nous devons le garder. Nous avons des traditions et si ça continue, on va encore nous embêter et nous devrons nous mettre à genoux pour d'autres choses"

Une nouvelle apparence qui ne convainc pas tout le monde

Esquisse du Diable de la barque des pêcheurs napolitains

Désormais muni de cornes jaunes et arborant un grimage bicolore rouge et noir, la nouvelle apparence du Diable ne séduit pas tout le monde. Pour Nathalie Laurent, ex-échevine du Folklore qui a par ailleurs voté contre l’évolution du personnage, le Diable ressemble davantage "à la mascotte des Diables rouges". "Je ne reconnais pas ce diable, ce n’est pas le mien, celui que j’ai connu" déplore la conseillère d’opposition. Même son de cloche pour Christelle Hosse (LLA) qui aurait préféré un grimage aux couleurs de la ville d’Ath.

Il ressemble davantage à la mascotte des Diables rouges

Vote négatif aussi de la part des conseillers de la Liste Athoise Bruno Montanari, Patrice Bougenies et Raymond Vignoble. Ce dernier déplore l’aspect du personnage. "Heureusement que le ridicule ne tue pas parce que même Jean-Paul Gauthier n'aurait pas pu imaginer un truc pareil. Ce n'était pas possible. On se demande quel est l'architecte décorateur qui a pondu un bazar pareil". Pierre Cappelle (LLA) quant à lui s’est abstenu et aurait aimé apprécier le changement en chair et en os plutôt que de se prononcer sur base d’un dessin.

Pour Marc Duvivier (LLA), ce n'est pas l'apparence qui pose problème, mais plutôt l'exclusion de l'UNESCO. le conseiller s'est étonné que ce soit la Belgique elle-même qui ait sollicité le retrait de la Ducasse de sa liste du patrimoine immatériel. "Je m'abstiens parce que je trouve que l'UNESCO nous a mis devant un problème que nous connaissions, mais qui aurait peut-être évolué différemment si nous avions pu maintenir le travail de réflexion. Qu'on le veuille ou pas, c'est une perte pour notre ville que d'être exclue de l'UNESCO. D'autres villes, d'autres régions à travers le monde se battent pour y être".

Si depuis 2019, Ath est sous le feu des projecteurs suite à cette polémique, le travail de la commission et l'évolution du personnage devrait permettre de rétablir un climat serein autour de l'événement. 2024 devrait marquer le retour d'une ducasse exempte de polémique, sans clivage avec une union citoyenne et politique autour du Diable.

Retrouvez un résumé des débats dans la vidéo ci-dessus ou l'intégralité du conseil communal d'Ath ici.


A.D.